par Charlotte Wannebroucq
Pendant la Renaissance, l'Europe connait un essor remarquable dans le domaine des arts, de la science et de la joaillerie. Au milieu de cette période foisonnante, les diamants ont acquis une symbolique particulière. Considérés comme des pierres précieuses extrêmement rares et brillantes, les diamants sont associés à la fois à la puissance terrestre et à la spiritualité céleste.
À cette période, il faut savoir que les diamants étaient principalement extraits en Inde et dans les régions environnantes. Ils étaient ensuite transportés vers l'Europe. Aussi, la fascination pour le diamant pendant la Renaissance vient de sa rareté. Difficile à extraire et à transporter cette pierre était entourée de mystères et d'aventures. Extrêmement désirable par sa forte valeur symbolique, le diamant est unique. Éternel, il symbolise aussi un engagement sans limites.
Alors, selon des croyances répandues, les bijoux possédaient des propriétés magiques issues des pierres dont ils étaient sertis ou de l’inscription qui y étaient gravée. Ainsi, le diamant avait-il toutes les vertus héroïques, c’est le symbole majeur de la perfection
The Octahedral Diamond
Sultan Muhammad of Ghor’s
Diamond Ring
Afghanistan or Pakistan, 13th Century
Collection Privée
© Les Enluminures
Tous, penseurs, artistes et hommes de sciences étaient fascinés par la lumière si particulière qui émanait de ces gemmes. Ils percevaient le diamant comme un reflet de la perfection divine, une étincelle de l'éternité qui transcende le monde terrestre. C'est ainsi que le diamant est utilisé dans sa structure cristalline naturelle, un polyèdre à huit faces. Il est indéniable que ce brut octaédrique est souvent considéré comme l'une des formes les plus recherchées. Esthétiquement captivant soulignons que ce brut se constitue de deux pyramides symétriques. La partie inférieure de la pierre était cachée dans la monture de la bague. De fait, la partie supérieure dépassait et renvoyait un maximum de lumière.
Diamants bruts octaédriques
© Natural Diamond Council
Comme on pouvait s’y attendre la valeur symbolique du diamant éternel, alliée à sa beauté en en font un accessoire recherché pour les fiançailles et les mariages. On raconte qu'à cette époque la taille en pointe était très prisée aussi pour écrire sur le verre. En effet, la noblesse était friande de cette façon saugrenue de flirter. Notamment pour Élisabeth Ier, reine d'Angleterre, qui échangeait des mots cryptés sur une vitre à l'aide de cette "bague gravure".
The Point Cut
The Spizer Renaissance
Diamond, Ruby, Enamel Ring
Italy Venice (?) 16th Century
Collection Privée
© Les Enluminures
Par ailleurs, vers la fin du XVe siècle on constate un progrès en matière de technique de taille du diamant avec la taille tabulaire. La technique consistait à frotter de la poudre de diamant sur la pointe du brut octaédrique pour l'aplanir. C'est une avancée notable qui va permettre de révéler l'éclat du diamant. Nul doute que les artisans étaient très talentueux pour maitriser l'art délicat de la taille de cette pierre. On remarque aussi qu'au début de la Renaissance les diamants tabulaires sont généralement plus petits, en raison des limites techniques et des outils disponibles. Plus tard, vers le milieu de la Renaissance, les tailleurs utilisent des outils plus avancés comme la technique du disque en fonte enduit de poudre de diamant. C’est pourquoi la taille en table s'agrandit pour proposer des pierres à 5 facettes. Il faut dire aussi que les artistes et scientifiques, tels que Léonard de Vinci, étudient la lumière et la réfraction, contribuant ainsi à une meilleure compréhension des propriétés optiques des diamants.
The Table Cut
The Guilhou RenaissanceTable Cut Diamond and Ruby Ring
Western Europe, 16th Century
Collection Privée
© Les Enluminures
Le diamant en pointe ou tabulaire révèle sa lumière si particulière. Mais on y apprécie également tout le travail des orfèvres de la Renaissance où la ciselure et l’émail se mêlent aux diamants. Citons le fameux Benvenuto Cellini qui est tout à la fois orfèvre, joaillier et sculpteur. De plus, comme le souligne Julie Rohou, conservatrice du patrimoine du Musée national de la Renaissance, le talentueux Benvenuto Cellini propose une technique pour donner plus de profondeur au diamant. N’oublions pas que la taille a peu de facettes et que les pierres sont en serti clos. Alors, pour leur donner plus de présence il invente une sorte de badigeon noir qu’il place sous la pierre. Il utilise aussi une fine feuille d’argent pour accentuer l’éclat de la pierre qui en s’oxydant devient plus sombre. Cette technique de sertissage du diamant avec un fond noir est appelée « fond niellé ». Le résultat est d’un contraste saisissant entre la brillance étincelante du diamant et le fond sombre qui met en valeur sa beauté. La maîtrise de Cellini dans le sertissage avec fond niellé a permis de créer des pièces de joaillerie d'une grande sophistication et d'une esthétique unique. Il a su repousser les limites de l'art du sertissage en incorporant des éléments sculpturaux et gravés dans ses créations, donnant ainsi une profondeur et une dimension supplémentaire aux bijoux.
C’est pourquoi on retrouve les diamants représentés en noir sur les tableaux de la Renaissance. Par exemple, sur le portrait de Louise de Lorraine on distingue d’importants diamants en pointes et tabulaires, notamment sur le devant de corsage.
Portrait de Louise de Lorraine
Vers 1575
© Wikipedia
Indéniablement le diamant est perçu comme un symbole de pouvoir politique. De fait, les souverains européens se disputent ces gemmes précieuses pour les ajouter aux joyaux de la couronne. Plus précisément, les diamants incarnent la richesse, la suprématie et l'autorité royale. Ils sont également utilisés comme cadeaux diplomatiques, permettant d'établir des alliances ou de renforcer des liens entre les dirigeants. Ils symbolisent des alliances et des relations politiques solides.
Afin de montrer un statut social élevé les diamants sont donc un accessoire de mode très prisé. Ils sont utilisés aussi pour orner les vêtements et les cheveux, ajoutant de l’éclat à l'apparence des femmes et des hommes.
L'héritage de Cellini dans le domaine de la joaillerie de la Renaissance est indéniable. Ses techniques novatrices et son approche artistique influencent de nombreux artisans et contribuent à l'évolution de l'art de la joaillerie et orfèvrerie. À l’image cette exceptionnelle montre entièrement ornée de diamants qui fait partie de la collection du château d’Ecouen musée de la Renaissance. C’est un objet unique qui présente un savoir-faire exceptionnel réalisé par Martin Duboule, maitre horloger du début du XVIIe siècle. La montre en or prend la forme d’une étoile à dix branches, elle est décorée d’émaux noirs sur lequel se détache des rinceaux verts et blancs, sertis de diamants. Considérées comme extrêmement précieuses, ces premières montres se portaient suspendues autour du cou, attachées par un anneau.
Montre ornée de diamants réalisée par Martin Duboule au début du XVIIe siècle.
© Julie Rohou conservatrice du patrimoine du musée de la Renaissance
C’est un très bel exemple du savoir-faire remarquable des artisans de la Renaissance. D’une façon générale, les joailliers devaient maîtriser une multitude de compétences techniques pour travailler avec précision les diamants et créer de véritables œuvres d’art. En plus de la taille, les joailliers devaient également maîtriser l’art de la sertissure. La finesse de la réalisation est l’éléments essentiel de leur travail où chaque geste est minutieusement exécuté, et chaque détail soigneusement réalisé. Ils devaient être capable de concevoir des pièces originales en utilisant leur sens esthétique pour y harmoniser les diamants. Cette créativité s’exprime encore aujourd’hui à travers la réalisation de bijoux uniques, qui reflètent l’élégance et le raffinement de l’époque.
En conclusion le diamant à la Renaissance est bien plus qu’une simple pierre précieuse. Il représente la beauté, la rareté et la puissance. Grâce aux nouvelles techniques développées par les artisans talentueux, le savoir-faire joaillier permet de révéler toute la splendeur des diamants. Leur éclat unique et leur rareté en font des objets de fascination et de désir.
Aujourd’hui encore, le diamant conserve ce statut de pierre précieuse par excellence. Il continue d’incarner l’élégance, la sophistication et le prestige. Les techniques et le savoir-faire développés à la Renaissance ont jeté les bases de l’art de la joaillerie, et l’héritage de cette époque continue d’inspirer les artisans contemporains.
Plus qu’un simple joyau, le diamant, est un symbole de pouvoir, un reflet de la perfection artistique et un héritage précieux qui perdure encore aujourd’hui.
Nos remerciements à :
La galerie Les Enluminures
Madame Julie Rohou, conservatrice du patrimoine du Musée national de la Renaissance au château d’Ecouen.
Sources :
Les Enluminures
Musée national de la Renaissance
Living Nobly Jewelry of the Renaissance courts Les Enluminures
Renaissance Jewellery d’Yvonne Hackenbroch
Jewels of the Renaissance éditions Assouline
Joyaux Renaissance une splendeur retrouvée J.Kugel